En 2025, une étude menée par Catella France et YouGov révèle une tendance désormais incontournable : 49 % des actifs français souhaitent un modèle hybride, avec seulement un à trois jours de présence au bureau par semaine. Chez les femmes, cette proportion grimpe à 54 %, et elle atteint même 58 % chez les 18-34 ans. Ces résultats traduisent une évolution profonde du rapport au travail. Le bureau n’est pas rejeté, mais sa forme traditionnelle – rigide, uniforme et obligatoire – semble désormais obsolète.
Comme le souligne La Tribune, « la fin du télétravail n’est pas pour demain, mais les salariés veulent davantage de flexibilité sans sacrifier les liens sociaux ». Autrement dit, la véritable révolution ne se trouve pas dans le télétravail intégral, mais bien dans l’émergence d’un bureau agile, collaboratif et porteur de sens.
Le rejet du bureau cinq jours par semaine : comprendre les causes
La première raison du rejet du bureau à temps plein reste le poids des trajets. Selon l’INSEE, un actif sur deux met plus de 30 minutes pour rejoindre son lieu de travail, et dans la région parisienne, ce temps dépasse souvent une heure vingt chaque jour. Sophie, 32 ans, consultante à La Défense, témoigne : « Revenir cinq jours sur site, c’est perdre huit heures par semaine dans les transports. Quand je télétravaille, je gagne ce temps pour ma famille, ma santé, ou même pour être plus concentrée. » Le temps perdu dans les déplacements apparaît donc comme un frein majeur à un retour complet au bureau.

À cela s’ajoute le poids de la culture française du présentéisme. En France, la présence physique a longtemps été perçue comme une preuve d’engagement. Or, pour les nouvelles générations, cette logique n’a plus de sens. Welcome to the Jungle le résume ainsi : « L’ère du bureau figé est terminée : l’espace de travail doit devenir un outil stratégique de collaboration et d’engagement. »
Enfin, beaucoup d’espaces de travail n’ont pas évolué. Les open spaces bruyants, le manque de confidentialité et la rareté des zones de créativité transforment le bureau en un lieu de contrainte plutôt qu’en une expérience positive. Le rejet du « 5 jours sur site » est donc autant culturel que pratique et organisationnel.
Travail hybride : ce que veulent vraiment les salariés
La flexibilité s’impose aujourd’hui comme une condition non négociable. Selon une enquête Culture RH publiée en 2025, 82 % des salariés estiment qu’un modèle flexible améliore leur qualité de vie. La tendance n’est pas propre à la France. Aux États-Unis, une enquête Gallup de 2024 révèle que 59 % des employés préfèrent un modèle hybride, contre seulement 9 % favorables au 100 % bureau. En Allemagne, l’Institut Fraunhofer IAO observe que 64 % des salariés considèrent l’hybride comme un moteur de productivité. Au Royaume-Uni, selon le CIPD en 2024, déjà 40 % des entreprises ont adopté officiellement ce modèle.
Le bureau conserve néanmoins une valeur forte, mais davantage comme lieu de collaboration que comme espace de simple exécution. Il reste essentiel pour favoriser l’innovation, grâce à des moments de brainstorming ou de hackathons, mais aussi pour assurer la transmission de la culture d’entreprise, notamment lors de l’intégration des jeunes talents. Enfin, il demeure un lieu de lien social et d’échanges informels. Microsoft a d’ailleurs réaménagé ses campus afin de favoriser la collaboration, en créant des salles modulables et des “neighborhoods” de travail flexibles.
Au-delà de l’organisation, c’est aussi la recherche de sens qui guide les attentes des salariés, en particulier chez les plus jeunes. Pour la génération Z, le bureau doit contribuer au collectif, favoriser l’apprentissage et incarner les valeurs de l’entreprise. Le lieu de travail devient ainsi un moteur d’engagement, bien au-delà de sa simple fonction logistique.
L’avenir du bureau : un contrat social à réinventer
Le passage au modèle hybride oblige les entreprises à revoir leur management. La logique du contrôle laisse place à une culture de la confiance. Il ne s’agit plus d’évaluer la présence, mais bien les résultats. Cela suppose également de former les managers à piloter des équipes hybrides et de redéfinir les règles de collaboration. Spotify a par exemple lancé son programme “Work From Anywhere”, basé sur la responsabilisation des salariés et la confiance, avec un impact direct sur son attractivité employeur.
Mais au-delà de la gestion quotidienne, l’enjeu est de donner envie de venir au bureau. Le lieu de travail doit devenir une destination choisie. Cela passe par des espaces modulables, alliant zones silencieuses, espaces collaboratifs et salles créatives. Cela implique aussi la mise en place de moments fédérateurs, comme des conférences internes ou des événements sociaux, et l’intégration de services qui facilitent la vie quotidienne, qu’il s’agisse de restauration, de sport ou de crèches. L’Oréal a d’ailleurs transformé son siège de Clichy en ce sens, avec des espaces de co-création, des zones de bien-être et des aménagements favorisant le travail hybride.
Immobilier d’entreprise : une transformation en profondeur

Cette évolution du rapport au bureau entraîne des conséquences majeures sur l’immobilier d’entreprise. Selon CBRE, 40 % des entreprises européennes envisagent de réduire leurs surfaces d’ici 2026. Il ne s’agit pas d’un désengagement total, mais plutôt d’une montée en gamme : moins de mètres carrés, mais mieux pensés. Les bureaux deviennent plus qualitatifs, conçus comme des lieux d’expérience et de convivialité.
Parallèlement, le marché des espaces flexibles et des coworkings connaît un véritable essor. Selon JLL, il devrait croître de 15 % par an en Europe d’ici 2027. Malgré ses difficultés financières, WeWork continue d’inspirer de nouveaux modèles, tandis que des acteurs comme Morning en France s’imposent avec des espaces collaboratifs et conviviaux.
De plus, le bureau se transforme en un levier RH. Un espace bien conçu devient un outil stratégique pour attirer et fidéliser les talents. BNP Paribas Real Estate insiste d’ailleurs sur l’importance des “Third Places”, ces lieux intermédiaires qui renforcent la marque employeur et l’expérience collaborateur.
Télétravail en France : une spécificité culturelle
Si la France avance vers le modèle hybride, elle le fait à un rythme plus lent que certains pays anglo-saxons. Selon Capital en 2025, de nombreuses entreprises françaises font même machine arrière, poussées par des dirigeants encore attachés à la présence physique et à une forme de contrôle traditionnel.
Pourtant, les attentes des salariés sont claires. Près de la moitié souhaitent un modèle hybride clairement défini, et 30 % ne veulent pas dépasser deux jours de présence au bureau par semaine. Seuls 7 % se disent prêts à revenir à un modèle 100 % présentiel.
Les témoignages illustrent cette réalité. Olivier, 45 ans, manager dans le conseil, explique : « Quand je viens au bureau c’est pour que l’on se retrouve mes équipes et moi : pour brainstormer, faire avancer nos projets. Quand j’ai une journée entière de visio je reste à la maison. » De son côté, Sarah, 28 ans, architecte d’intérieur UX, confie : « Trois jours par semaine on se voit au bureau avec mes collègues pour travailler étroitement ensemble et passer de bons moments lors de la pause déjeuner. Le reste du temps j’ai besoin du calme du télétravail pour créer, sans interruptions. Ce modèle hybride est le bon équilibre pour moi. »
Certaines grandes entreprises, comme Salesforce, ont d’ailleurs institutionnalisé cette flexibilité avec leur programme “Flex Team Agreements”, qui permet à chaque équipe de définir son rythme hybride. Résultat: une satisfaction accrue des collaborateurs et une baisse du turnover.
Conclusion : l’agilité comme nouvelle boussole du travail
La grande leçon de l’étude Catella/YouGov et des tendances internationales est sans appel : le bureau cinq jours sur cinq appartient désormais au passé. Le modèle hybride s’impose comme la norme, en France comme ailleurs. L’avenir repose sur des espaces plus petits, plus flexibles, mais aussi plus humains.
Pour les salariés, ce modèle représente un équilibre nouveau entre vie professionnelle et vie personnelle, une réduction du stress lié aux trajets, mais aussi une possibilité de retrouver du sens au travail. Pour les entreprises, il s’agit d’un défi culturel et managérial majeur. Quant à l’immobilier d’entreprise, il connaît une transformation historique qui redessine durablement le paysage des bureaux.
Comme le résume avec justesse Culture RH : « Les entreprises qui sauront placer l’agilité et l’humain au cœur de leurs espaces et de leur organisation auront une longueur d’avance pour attirer et fidéliser les talents. »
Le bureau n’est plus une obligation. Il doit devenir une destination choisie. C’est cela, la véritable révolution du travail.
Sources :
- https://www.catella.com/fr/france/actualites-et-communiques-de-presse/press-releases/2025/teletravail–le-fantasme-dun-monde-sans-bureau-battu-en-breche?utm_source=chatgpt.com
- https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/proportion-dactifs-occupes-residant-30-minutes-ou-plus-de-leur-lieu-de-travail?utm_source=chatgpt.com
- https://www.lifeatspotify.com/being-here/work-from-anywhere




