Flex Office : solution miracle ou source de stress ?


Depuis quelques années, les modes de travail connaissent une transformation sans précédent. Télétravail, coworking, open space, espaces hybrides : les bureaux traditionnels cèdent peu à peu la place à des modèles plus agiles. Parmi eux, le flex office s’impose comme la tendance phare du moment.

Apparu dans les années 1990 au sein des cabinets de conseil, le concept, aussi appelé “sans bureau fixe”, revient aujourd’hui sur le devant de la scène. Selon une étude de 2024 du cabinet JLL, 26 % des salariés français évoluent déjà dans une organisation en flex office, un chiffre qui pourrait atteindre 40 % d’ici deux ans.

Mais derrière la promesse d’efficacité, d’autonomie et de réduction des coûts, une question persiste : le flex office est-il un levier de performance et de bien-être ou une source de désorganisation et de stress ?

Le Flex Office, une réponse séduisante aux nouveaux modes de travail

Un modèle adapté à la mobilité et au télétravail

Le flex office séduit d’abord par sa rationalité économique et spatiale. En l’absence de poste fixe, les bureaux sont utilisés en continu, sans espace vide lié aux absences, congés ou jours de télétravail.
Résultat : une optimisation de l’espace et une réduction significative des coûts immobiliers. Dans un contexte où chaque mètre carré compte, ce modèle permet de mutualiser les ressources tels que les ordinateurs portables, imprimantes, salles de réunion, et d’éviter la sous-utilisation chronique de nombreux postes.

Les salariés, eux, gagnent en liberté d’organisation. Ils choisissent leur lieu de travail selon leurs besoins du moment : un bureau classique pour se concentrer, une bulle pour s’isoler, une alcôve pour collaborer ou même un coin lounge pour une session créative informelle.
Cette flexibilité s’accorde parfaitement avec la montée du télétravail et des outils numériques (Wi-Fi haut débit, cloud, messageries instantanées). Elle offre une continuité fluide entre le travail à distance et le travail en présentiel.

En somme, le flex office apparaît comme un modèle agile, adapté à une génération de collaborateurs plus nomades, autonomes et connectés.

Un levier de modernité et d’attractivité pour les entreprises

Au-delà des gains d’efficacité, le flex office s’impose comme un symbole de modernité. Il incarne l’entreprise agile, ouverte et innovante, à la pointe de la transformation managériale.
Les espaces ouverts favorisent la transversalité et les échanges informels entre les services. Le décloisonnement physique devient ainsi le reflet d’un décloisonnement organisationnel : on casse les silos, on stimule la créativité et on renforce la culture d’entreprise autour du collectif.

Selon plusieurs études, ce modèle peut renforcer les liens sociaux internes. En croisant quotidiennement de nouvelles personnes, les collaborateurs développent une meilleure compréhension du fonctionnement global de l’entreprise. Ces interactions impromptues nourrissent la coopération et la confiance, des atouts majeurs pour la performance.

Enfin, le flex office séduit particulièrement les jeunes générations. Pour les “digital natives” et les nomades professionnels, le bureau n’est plus un espace assigné, mais une plateforme vivante, connectée, inspirante.

En ce sens, le flex office devient aussi un levier d’attractivité RH dans la guerre des talents.

Mais un modèle qui peut fragiliser les repères et générer du stress

La perte de repères et de sentiment d’appartenance

Si la flexibilité attire, elle n’est pas sans contrepartie. En supprimant les postes attitrés, le flex office efface les repères personnels et le sentiment d’ancrage.
Impossible d’afficher des photos, de personnaliser son espace ou de retrouver chaque jour le même voisin : le salarié devient un nomade interne, équipé d’un casier et d’un ordinateur portable. Pour certains, cette mobilité forcée engendre une forme d’anonymat et un déracinement émotionnel vis-à-vis de l’entreprise.

Les études confirment cette ambivalence. Une enquête menée par Deskeo en 2021 a montré un éclatement des équipes après la mise en œuvre du flex office. Quant à la fondation Pierre Deniker, elle a observé dès 2018 une hausse de 11 % des troubles psychosociaux parmi les salariés concernés.
Autrement dit, sans accompagnement, le flex office peut affaiblir le collectif et altérer le sentiment d’appartenance, pourtant essentiel à la cohésion d’équipe.

Des effets psychologiques parfois négligés

Autre difficulté : la logistique quotidienne.

Chaque matin, trouver un poste libre peut devenir une source de stress latent. Certains collaborateurs doivent réserver un espace à l’avance ou errer à la recherche d’un bureau disponible. En période d’affluence, il n’est pas rare que des salariés se replient dans la cafétéria… voire au café du coin.

S’ajoute à cela la question du bruit et de la concentration. Les open spaces partagés, caractéristiques du flex office, favorisent les échanges mais multiplient les nuisances sonores. À la longue, cette instabilité altère la productivité et favorise la fatigue cognitive.
Certains salariés s’équipent de casques antibruit pour se protéger, mais ce réflexe crée une bulle d’isolement paradoxale : on coupe le son pour se concentrer, mais on coupe aussi le lien avec les autres, contredisant ainsi la philosophie même du flex office.

Enfin, les inégalités d’adaptation sont fortes. Là où certains profils nomades s’épanouissent, d’autres peinent à gérer cette mobilité imposée. Le flex office exige une grande discipline individuelle (réserver les salles, anticiper les réunions, transporter ses effets personnels…), sous peine de générer frustration et désorganisation.

Sans garde-fous, le flex office peut ainsi glisser d’un modèle libérateur à un système anxiogène — une flexibilité subie plutôt que choisie.

Trouver l’équilibre : les conditions de réussite du Flex Office

Un accompagnement du changement indispensable

Pour réussir sa transition, le flex office doit être accompagné et co-construit avec les équipes.
Cela passe par une communication claire sur les objectifs du projet, des phases de test, des espaces pilotes, et surtout une écoute active des retours des collaborateurs.
Former les managers à de nouveaux modes de leadership est également crucial : passer d’un management « quanti » à un management « quali » aligné avec les priorités stratégiques de l’entreprise.

Passer en flex office oui, mais pas à n’importe quel taux !

Pour piloter efficacement cette transformation, les entreprises s’appuient de plus en plus sur un indicateur: le taux de flex office, aussi appelé taux de foisonnement.
Il mesure le rapport entre le nombre de postes de travail disponibles et le nombre total de salariés. Autrement dit, il traduit la capacité des locaux à accueillir simultanément une proportion donnée des effectifs en tenant compte de la récurrence des pics d’occupation.

Pour le calculer, la formule est simple :

Taux de flex = Nombre de postes / Nombre total de salariés

Par exemple, une entreprise de 150 employés disposant de 100 postes affiche un taux de 0,67 (soit 67 % de l’effectif assis en simultané). Cela signifie que seuls deux tiers des collaborateurs peuvent être présents sur site en même temps.

Quels facteurs influencent ce taux ?

  • le taux de télétravail moyen des salariés et les modalités d’application de celui-ci (jours flexibles ou fixes…) ;
  • la nature des activités et le degré de sédentarité des personnes (éligibilité au télétravail, mobilité intra locaux, déplacements professionnels, etc) ;
  • les horaires décalés ou flexibles ;
  • le niveau d’autonomie des équipes.

Ainsi, un service commercial, avec beaucoup de déplacements, peut fonctionner avec un taux de 50 %, alors qu’un service de comptabilité nécessitera un taux plus élevé.

Avant la pandémie, la plupart des entreprises déjà organisées en Flex Office affichaient un taux de 80 à 100 %, traduisant une présence quasi continue au bureau. Alors que les indicateurs immobiliers présentaient déjà des taux d’occupation des bureaux de 70% de leur capacité d’accueil.
Aujourd’hui, la moyenne se situe plutôt entre 60 et 70 %, voire 40 % dans les organisations très digitalisées.
Certaines études recommandent de réévaluer régulièrement ce taux pour l’ajuster à l’évolution des effectifs et du télétravail.

Un taux trop faible provoque une saturation des espaces ; trop élevé, il génère un sous-emploi des surfaces et des coûts inutiles. Le taux de flex n’est pas qu’une donnée technique : c’est un outil de pilotage managérial et immobilier.
Il doit être un juste équilibrage entre confort des collaborateurs, besoin de flexibilité, et contraintes budgétaires. En combinant cet indicateur à des retours qualitatifs (satisfaction, usage réel des espaces, productivité perçue), l’entreprise peut affiner sa stratégie et créer un équilibre durable entre efficacité et bien-être.

Des exemples de transitions réussies

Plusieurs grands groupes ont su transformer le flex office en réussite organisationnelle.

  • AXA France a mené une transition progressive, appuyée sur une forte digitalisation interne et une politique d’“agile working”. L’entreprise a repensé ses bureaux pour favoriser la mobilité et l’autonomie, tout en préservant des espaces collaboratifs chaleureux.
  • Ipsos a lancé dès 2015 un vaste projet de transformation à l’occasion de la renégociation de son bail. L’équipe Managériale a alors mis en place un comité de projet mobilisant des salariés sur tous les chantiers nécessaires au développement de son projet I-Space (Poste Collaborateur, ergonomie des postures de travail, collaboration 3.0, zéro papier, bonnes pratiques environnementales, Charte flex…) et repensé son management vers un modèle plus horizontal et responsabilisant.
  • Bouygues Immobilier, pionnier en la matière, a converti son siège d’Issy-les-Moulineaux dès 2017. L’entreprise a misé sur des espaces modulaires et un accompagnement culturel fort pour faciliter l’appropriation du nouveau modèle.

Ces exemples prouvent que le succès du flex office repose moins sur l’architecture que sur la maturité digitale, managériale et humaine des organisations.

Conclusion : vers un modèle hybride et humain

Le flex office n’est ni une solution miracle, ni un cauchemar organisationnel.

Il représente avant tout une évolution nécessaire face aux nouveaux modes de travail, mais son succès dépend entièrement de la manière dont il est pensé, animé et vécu.

Bien conçu, il favorise la collaboration, la flexibilité et la responsabilisation. Mal encadré, il provoque désorientation, isolement et perte de sens.

Chez Aventive, nous croyons que l’enjeu aujourd’hui n’est plus de trancher entre flexibilité et stabilité, mais dans la capacité à bâtir un équilibre hybride, où l’environnement de travail conjugue agilité, intelligence collective et humanité.
Dans cette dynamique, les managers jouent un rôle central. Ce sont eux qui portent la vision, traduisent les priorités stratégiques de l’entreprise et veillent à ce que les espaces de travail y répondent pleinement.
Cela implique une écoute élargie des attentes, en impliquant largement les équipes, pour construire des projets qui font sens, créent de l’adhésion et renforcent le collectif.

Le bureau de demain ne sera pas “flex” ou “fixe”, il sera avant tout intelligent, choisi et habité.

Sources :

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