Parallèlement, l’environnement de travail, les conditions dans lesquelles les utilisateurs évoluent sont remises en question pour mieux s’adapter à l’ère du numérique. Bien évidemment, les aménageurs sont concernés au premier chef par le développement de ces nouvelles méthodes, nouveaux espaces, voire nouveaux produits, tout en y intégrant le plus possible les nouvelles technologies.
Les entreprises veulent ainsi plus d’ouverture, de communication, de transparence, de travail en équipe et étudient comment faire évoluer l’environnement pour que celui-ci le permette. Être accompagné dans un projet de réaménagement devient essentiel, intégrant l’approche dans l’espace mais aussi la réflexion des ressources humaines : de nouvelles règles de vie associées, le change management… jusqu’à de nouvelles méthodes d’organisation, dans la structure même de l’entreprise.
Or, depuis l’ère industrielle avec Frederick Taylor en 1911, les organisations restent pyramidales, hiérarchiques, fondées sur le management, le pouvoir, le résultat financier, comme ligne directrice. Et malgré de nombreuses méthodologies, process créés et mis en place, les problèmes demeurent. Des styles d’aménagement différents tentent d’accompagner l’évolution des considérations du jour: l’open space, le flex’work, les bureaux non attribués, la recherche des économies de m2 et d’autres façons d’utiliser l’espace… Et l’Homme ? Et le travail ? N’est-ce pas plutôt cela qu’il faut considérer et mettre au cœur des organisations ? Le bien-être de chacun n’est-il pas, avant tout, la considération du travail, de son expertise et, donc, de sa valeur ?
N’est-ce donc pas plutôt ce retour à la simplicité qui pourrait faire mieux fonctionner nos organisations ? Que ce soit dans la ville ou dans l’entreprise, la volonté de tout prévoir, de tout gérer, les actions comme les comportements, ne serait-elle pas trop importante ? Ne souffrirait-on pas finalement d’un trop de hiérarchie, de management ?
Prenons l’exemple d’une grande ville, Paris, qui n’a dans son enceinte de quoi subvenir aux besoins alimentaires de ses habitants que pour 3 jours. Les livraisons, les approvisionnements, les lieux de vente, de distribution sont autogérés. Il n’y a pas de grands (ou petits) chefs qui coordonnent tous ces mouvements pour que cela puisse fonctionner correctement. Chacun sait ce qu’il a à faire, le fait tant que possible. Et cela fonctionne !
Du modèle pyramidal à l’Holacracy© (holacratie)
Depuis environ quatre ans, les Américains développent ce que l’on appelle une « technologie de rupture au niveau managérial » pour créer un environnement où l’épanouissement et le bien-être ont un rôle dans l’espace. C’est Bernard Marie Chiquet (IGI Partners) qui a fait connaitre ce principe en Europe. J’ai pu échanger avec lui afin de mieux connaître l’holacratie et essayer de comprendre comment, demain, nous pourrons faire évoluer les environnements de travail de manière plus complète et en pouvant, peut-être enfin, s’assurer du bien-fondé des espaces ouverts et de tout ce qui les entoure.
L’épanouissement personnel, la considération de l’être, l’expertise de chacun, au service de l’entreprise, de l’organisation, conduisent à recentrer l’activité autour des hommes, qui font la réussite de l’entreprise. L’holacratie est une pratique fondée sur une organisation autour des rôles, du travail, un peu comme les cellules ou les organes du corps humain. Les tensions ressenties y sont constamment partagées pour permettre une évolution progressive, ayant pour objectif la raison d’être de l’entreprise, donc de l’activité, des actions.
Fini le management, en tout cas hiérarchiquement parlant, chacun ayant un rôle clairement établi. Les managers peuvent dès lors se concentrer sur le travail effectif et mettre en valeur leur expertise. L’activité et les échanges sont organisés et chacun est libre d’évoluer dans ce cadre défini, précis.
Chacun y a sa place, participe, est considéré, mais dans un environnement très organisé afin de permettre innovation et créativité, tel le peintre qui peut créer comme il souhaite, où il veut, utilisant divers outils, libre en somme, tout en restant dans le cadre de sa toile.
Extraits de l’ouvrage réalisé par Bernard-Marie Chiquet et Etienne Appert – Une nouvelle technologie managériale : l’Holacracy [1]
« L’Holacracy c’est :
- un nouveau système d’exploitation pour une nouvelle génération d’organisations,
- un nouveau système d’autorité distribué, pas juste une approche plaquée,
- une gouvernance centrée sur la mission de l’organisation, en lien avec l’évolution,
- une pratique, pas seulement un modèle ou une théorie,
- une structure organique et distribuée.
>>> Ses règles du jeu sont inscrites dans une constitution, dont l’adoption signe le basculement d’une organisation classique en authentique holacracy. »
« L’Holacracy redonne des responsabilités pour chacun des individus. Il met à jour les dysfonctionnements, il évacue toutes les dimensions émotionnelles. » _ Christophe, Directeur chez Kingfisher
« Un pilotage dynamique qui permet une grande agilité pour prendre en compte le contexte du moment. »
« Si l’on faisait du vélo comme on pilote une organisation conventionnelle, cela donnerait :
- J’étudie ma carte routière… Je vérifie les prévisions de circulation, je me synchronise avec les feux.
- Je prévois chaque bosse, chaque flaque, chaque trou sur le bitume… Et puis je roule le nez collé sur ma carte…
- … Bien sûr : je tombe…
- Je cherche un coupable… Et je décide, la prochaine fois… de mieux prévoir le chemin !
Basculer en Holacracy, c’est : ne plus prendre trop au sérieux les prévisions, rester seulement connecté à la raison d’être de l’organisation… et faire un avec ce qui se présente, pour un ajustement permanent.
>>> L’Holacracy permet un pilotage qui intègre la force d’évolution elle-même, s’exprimant via les tensions ressenties par les membres de l’organisation… »
L’environnement de travail « dynamique », corolaire des nouveaux modes de management
La considération de l’être y est donc totalement différente. On peut alors considérer l’environnement de travail vraiment autrement.
C’est dans ce contexte que chacun peut évoluer selon les conditions qui lui correspondent, en termes de lieu, de rythme… Les espaces développés doivent correspondre aux activités, aux rôles, aux missions et, comme l’organisation elle même, permettent une évolution au fur et à mesure des besoins identifiés. De nombreuses typologies peuvent être proposées, au cœur de l’entreprise, mais aussi ailleurs et autrement : on peut ainsi penser au télétravail, aux espaces de coworking, voire à d’autres formes de localisation ou configuration…
C’est un nouvel environnement, une nouvelle approche, qui s’adapte aux hommes et à leur travail. La flexibilité reste une valeur forte mais les éléments qui composent cet environnement doivent être définis clairement et correspondre plus que jamais à l’activité qui y est réalisée.
Delphine Bigand
Chef de Projet chez Aventive